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A la sortie de l'église Notre-Dame de Bethléem, le regard se porte naturellement vers l'imposante grange aux dîmes, qui vient s'appuyer sur le clocher de l'église abbatiale. Cette tour-clocher, témoin de dix siècles d'histoire, conserve des restes de presque toutes les époques.
D'après une tradition, c'est Clovis qui aurait demandé la construction d'une seconde église, à proximité du premier lieu de culte. Elle est détruite en 607 par Théodebert et Thierry. A la fin du règne de Clothaire II, le gouverneur du Gâtinais, Vandelbert ordonne la reconstruction des bâtiments et la reprise des activités religieuses. De ces premières constructions, il ne reste rien. Au IXe siècle, sous la direction de l'abbé saint Aldric, le monastère est reconstruit. Les trois premiers mètres du clocher, constitués de petites pierres, portent les traces de deux oculi (fenêtres rondes) caractéristiques de l'époque.
En 937, le monastère n'échappe pas aux incursions hongroises qui profitent de la perte de pouvoir des derniers carolingiens pour piller le royaume. Ils attaquent le monastère et le laissent quasiment ruiné. Il faut donc reconstruire : le deuxième étage de la tour, de style roman, présente deux ouvertures en arc plein-cintre.
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Au XIIe siècle, l'abbé Amaury décide de reconstruire les bâtiments détruits, et les bâtisseurs adoptent alors les nouvelles formes architecturales : le gothique, avec ses arcs brisés que l'on peut voir sur les étages trois, quatre et cinq du clocher.
Au XVe siècle, la guerre de cent ans entraîne de nouveaux désastres. En 1427, le monastère est ruiné par les Anglais. Il faut attendre le retour de la paix pour que les travaux reprennent. Cette fois, l'abbé Louis de Blanchefort, financé par son parrain Louis XI, introduit le style renaissance. La tour recouverte de pierres taillées en écailles de poissons, est ornée de "choux-fleurs" et de fenêtres en accolades.
Le clocher est surmonté par une croix puis un coq, de 64 centimètres de long et 45 de haut, placé en 1840, lors de restaurations. Il porte encore la trace de quelques tirs qu'il essuya lors de la guerre de 1870. En 1897, il fut descendu, redoré et on fit passer par sa crête une pointe de paratonnerre.
Grâce aux travaux effectués entre 1998 et 2002 par les menuisiers-charpentiers de Ferrières, MM. Leloup et Guérin, la visite du clocher et des combles de l'abbatiale est désormais possible (se renseigner auprès de l'Office de tourisme). Les combles ont été dégagés, un escalier à vis en bois a été reconstruit dans la tour et une passerelle en bois jetée sur la charpente, permettant d'accéder aux combles.
Du haut du clocher, la vue s'étend sur Ferrières et ses environs, permettant d'admirer les vieux toits en tuiles plates de Bourgogne et de plonger un regard indiscret sur quelques cours intérieures, notamment sur celle dite du pressoir, au pied de l'abbaye.
Au-dessus on peut apercevoir cinq cloches : une datée de 1524, sans nom ; deux de 1658, dédiées respectivement à saint Maur et saint Benoit ; une de 1770 dédiée à Pierre-Judes-Mathurine. Ces quatre cloches de petite taille (entre 70 et 125 kg) sont celles du monastère et sont classées. La cinquième fut fondue en 1834, alors que l'église Saint-Pierre était devenue église paroissiale. Elle porte le nom de Véronique, pèse deux tonnes et sa portée s'étend aux limites de la paroisse.
La charpente en chêne date de la fin du XVe début XVIe. C'est une charpente à combles comme on les a faites après le XIIe siècle. Un calcul a été fait du volume de bois nécessaire pour réaliser une telle charpente : quelques 2 200 m3, ce qui représente environ 650 arbres de 200 ans. Ils ont été arrachés dans la forêt de Paucourt. A raison d'un prélèvement de 3 à 4 gros chênes par hectare sur une surface de 200 hectares, cela représente le 1/3 de la production de la forêt de Montargis.
On notera la forme de la charpente dite "en coque" ou en "nef renversée", comme celle du château de Sully ; les charpentiers de l'époque, étaient souvent des charpentiers de marine. Il est intéressant de contempler du dessus la voûte d'une église.
Le grand clocher de pierre n'était pas le seul de l'abbaye. Outre le clocher-porche de Notre-Dame de Bethléem, il existait également un clocher sur l'abbatiale, dominant la croisée des transepts, dont on aperçoit encore aujourd'hui la base. Ce clocher a connu bien des vicissitudes. C'est l'abbé Loup de Ferrières, au IXe siècle, qui fit dresser à cette place un clocher en plomb qui culminait à quarante mètres.

De l'art de demander un service à un roi

En 852, l'abbé Loup s'adresse au roi d'Angleterre Ethelwulf pour obtenir le plomb nécessaire à la couverture du clocher de l'abbatiale.
Au roi Ethelwulf, digne, pour la louange et la gloire de Dieu, de grandes louanges, Loup le plus infime de tous les serviteurs de Dieu […]
Puisque mon séjour sur le continent sépare ma petitesse de Votre excellence, je désire me faire connaître de vous par mes services, surtout depuis que votre ferveur dans le culte de Dieu m'a été révélée par Félix, qui remplissait auprès de vous l'office de secrétaire. Ordonnez donc ce que vous croyez que je puisse faire, et vous me trouverez prêt à vous servir en toutes choses. Mais à vous d'abord de vous exciter à bien mériter de Dieu […]
Nous nous efforçons de couvrir de plomb l'église de notre monastère, qui est situé à l'intérieur des terres et qu'on appelle Ferrières, tout en répondant aussi au nom de Bethléem, qui lui fut imposé par son fondateur. Cette église est consacrée, après Dieu, en l'honneur de saint Pierre et de tous les autres apôtres. C'est à cet œuvre que nous vous prions de participer, si vous le jugez bon. Aidez-nous pour l'honneur de Dieu, à achever notre tâche, eu égard non à notre mérite, mais à la récompense divine, parce que, nous qui intercédons en votre faveur sans attendre vos largesses, nous serons plus empressés si nous avons reçu un présent qui doit nous être utile, à vous et à nous, du seul point de vue du salut de l'âme. […]

(Loup de Ferrières, Lettre XIII)

Dom Morin le fit restaurer au XVIIe siècle. Mais, frappé par la foudre en 1739, il s'écroula sur le bas-côté de l'église. Ce bas-côté n'a jamais été reconstruit, faute de moyens. Le petit bâtiment que l'on voit à sa place, adossé au mur de l'édifice religieux, ne communique pas avec la nef ; il sert d'entrepôt à la municipalité.
Un nouveau clocher n'eut qu'une existence éphémère : en plomb lui aussi, il fut offert au cours de l'an II (1794), à la république menacée et fondu pour fabriquer des armes.
On ne sait ni quand ni comment il fut reconstruit (sans doute vers 1840), mais une délibération du conseil municipal datée du 21 août 1852 atteste la présence d'un clocher qui, de nouveau, menaçait ruine ( !) : des travaux urgents et indispensables sont réclamés pour l'église de Ferrières pour assurer sa conservation et particulièrement pour prévenir un éboulement dans la charpente au comble, ainsi que la chute d'un clocher de plomb qui se trouve au-dessus du chœur […] le danger est assez imminent pour que l'on s'abstienne de sonner les petites cloches qui se trouvent dans le clocher en plomb dont la chute pourrait être déterminée par leur seul ébranlement. A cette date, le souvenir de la fin du clocher de Notre-Dame de Bethléem était sans doute assez vivace pour que l'on se hâte de faire des travaux. On a donc démonté ce clocher branlant, construit une plate forme octogonale recouverte d'ardoises qui devait servir de base à un nouveau clocher… qui n'a jamais été construit.