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Vieilles maisons de Ferrières

Le charme de Ferrières tient non seulement à la magnifique architecture des vestiges de son abbaye, mais aussi aux quelques maisons privées anciennes qui ont survécu à travers les siècles sans être détruites ou défigurées par des restaurations intempestives et qui font encore la beauté de ses ruelles pentues. Si le visiteur parvient à séduire les heureux propriétaires de certaines maisons, et qu'il obtient l'autorisation de franchir le seuil des portes ou portails, il sera surpris de ce que recèlent certains hauts murs : des cours charmantes, de petits jardins fleuris à l'ancienne, ou même d'immenses parcs aux essences rares.
Mais s'il interroge le propriétaire sur la date de construction de sa maison, il obtiendra souvent des réponses imprécises, tant l'incertitude est grande sur l'origine et l'histoire de ces demeures. Faut-il croire en effet les quelques dates qui figurent au linteau de certaines d'entre elles ? S'agit-il de constructions "neuves" à partir de matériaux anciens, de remaniements ? On ne saurait le dire avec certitude. L'abbaye de Ferrières a subi comme tous les autres monastères et abbayes de France le décret de l'Assemblée Nationale qui en 1790, décidant de la suppression des ordres monastiques, ordonna que tous leurs biens soient vendus au profit de la Nation. Comme l'écrit l'Abbé Jarossay dans son ouvrage sur Ferrières, "ce fut une curée générale" : tous les biens des religieux furent dispersés sans que l'on ait pu conserver trace des transactions. Si, en ce qui concerne l'abbaye elle-même, la municipalité de Ferrières, dès 1790, prit les dispositions nécessaires pour la préserver et en conserver la propriété, en 1793, personne ne put empêcher des fanatiques de piller les lieux qui furent en définitive vendus dans leur totalité en adjudication à une certaine dame Duboutoir, qui entreprit la destruction systématique des bâtiments du monastère, dont le clocher central, qui furent livrés aux démolisseurs. Pierres, ferrements, charpentes furent alors vendus pour constituer les matériaux de construction de nombre des "vieilles" maisons de Ferrières ! Et qui pourra certifier que telle porte du XVe siècle ou telle fenêtre à meneaux est bien "d'origine" et n'a pas été transplantée ?
C'est dans la Grande Rue ainsi que dans la rue de la Pêcherie qu'il pourra le mieux se faire une idée de ce qu'a pu être la cité Ferrières du temps de sa splendeur. Si l'on en croit les dates qui figurent au fronton de certaines d'entre elles, les plus anciennes remonteraient au XVIIe siècle : 1625 au n°15, 1680 au n°9 de la rue de la Pêcherie, 1639 au n°27 de la Grande Rue. Mais nul ne pourrait jurer que telle fenêtre, telle porte ou tel linteau n'a pas été déplacé et rapporté au cours des temps ! Un dessin d'Edmond Michel porte témoignage d'une maison en bois, datant du règne de Charles VII (milieu du XVe siècle). Elle était située au coin de la rue de la Triperie et de la rue du Lion d'Or, elle fut détruite en 1889.
C'est le seul spécimen de ce genre de constructions du XVe siècle qui existe encore dans la ville, sans avoir rien perdu de son caractère, et qui soit resté debout malgré les incendies. Nulle sculpture, pas même sur les poteaux corniers, sauf deux écussons et un aperçu de colonnette au rez-de-chaussée
Quelques maisons d'un autre type méritent une attention particulière : des maisons à étage, souvent dotées d'une tourelle, et qui de ce fait semblent avoir appartenu à des notables civils ou religieux. On retiendra notamment celle qui domine la Place du Martroi, au coin de la rue Neuve des Forges, et qui, du fait de sa position centrale au sein du village a, selon toute vraisemblance, joué un rôle important dans la vie de la cité. Celle qui se trouve à cheval sur la rue de Bourrienne (n°8) et la place du Four. Celles du n°6 de la rue Fonteine-Bourgoin, au haut de la rue des Charrières, et quelques mètres plus bas dans la rue des Charrières, au coin de la rue de la Triperie (n°12), deux demeures qui présentent bien des points communs : cachées derrière de hauts murs, elles se présentent comme deux corps de logis à étage, dotés d'une tour "hors-d'oeuvre", carrée pour l'une, octogonale pour l'autre, mais abritant toutes deux une "vis", escalier de pierre en colimaçon, autrement appelé "vis Saint-Gilles". La date de 1688 est inscrite au fronton de la petite porte d'entrée de la demeure de la rue Fonteine-Bourgoin, mais en fait, certains indices d'ordre architectural semblent les dater du XVe siècle. Ce type de construction, avec tours polygonales ou rondes hors-d' œuvre abritant un escalier à vis, est caractéristique de la période de la Renaissance orléanaise, fin XVe, et perdure jusque dans les années 1570. On le retrouve tant en pays de Loire que plus au sud, en Bourgogne. On en trouve d'ailleurs un bel exemple non loin de Ferrières, au presbytère de Bellegarde.
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Extrait d' Edmond Michel, Monuments religieux, civils et militaires du Gâtinais du XIe au XVIIIe siècle, Orléans, H. Herluison, pl.XI Agrandissement 410x600 (33 ko)
Or l'abbé Leluc indique ces deux maisons comme ayant été également des prieurés ou presbytères, le nom de prieuré étant d'ailleurs toujours attribué à la maison de la rue Fonteine-Bourgoin. Ces deux demeures furent propriétés de l'Église, probablement jusqu'en 1790, date à laquelle une loi attribua les biens d'Église à l'État (représenté ici par la municipalité). La maison de la rue de la Triperie semble avoir abrité des prêtres jusqu'en 1906, avant d'être louée par la municipalité aux notaires. A signaler également, dans cette maison, l'un des derniers vestiges visibles de cave voûtée sur piliers romans et de souterrains contemporains de ceux de l'abbaye (XIIIe-XIVe siècle). On remarquera sur son pignon, rue des Charrières, l'arc en anse de panier d'une porte, caractéristique de la Renaissance, dont on trouve d'autres exemples en ville, par exemple dans la Grande Rue, où elles abritent des distributeurs de billets !
Ces vestiges du XVe siècle témoignent de la vitalité de Ferrières, renaissant de ses cendres, lorsque l'abbé de Blanchefort présidait à sa destinée.
Fortifications et défenses

La porte de Sens aboutit à l'extrémité de la rue des Fossés. Comme son nom l'indique, cette rue suit le tracé des fortifications de la ville ancienne du côté de l'est.
Ferrières ville forte… Il en reste aujourd'hui des vestiges dont les plus nombreux se trouvent enfouis sous les constructions récentes ou cachés dans des caves et dans des cours.
Il y eut à Ferrières deux forts : l'un antérieur au Xe siècle, le fort du couvent ; l'autre construit au Xe siècle auprès de l'église Saint-Eloi par Geoffroy le Barbu, dans sa lutte fratricide avec Foulque le Réchin (voir Hors les murs, Le cimetière…). Le fort de Saint-Eloi ne survécut pas à cet affrontement.
Le fort du couvent, lui, avait été construit aux premiers temps de l'abbaye, peut-être sous le règne de Clovis. Accolé à l'église de Bethléem, dont la tour clocher lui servait de donjon, c'était une forteresse où logeaient les rois de France lorsqu'ils venaient chasser dans les bois de Paucourt, et où se réfugiaient moines et habitants en temps de guerre. Les Ferriérois étaient tenus de le défendre et d'assurer son entretien.
A la même époque, sans doute, l'abbaye et la ville obtinrent du roi Clotaire II l'autorisation de protéger les bâtiments par des murailles et des fossés : pauvres défenses qui ne résistèrent pas aux assauts des premiers envahisseurs. Le fort, abattu par Théodoric, fut reconstruit sous Dagobert, et il fallut attendre le règne de Philippe Auguste pour que les habitants de Ferrières obtiennent la permission de relever leurs murailles et de fortifier les fossés.
Nouvelles destructions pendant la guerre de cent ans : le fort, alors endommagé, n'a jamais été reconstruit ; abandonné par les souverains, il n'était plus qu'une citadelle refuge pour les habitants de la ville et des campagnes environnantes ; la garnison qui l'occupait semait, dit-on le désordre. Louis de Blanchefort le fit donc détruire et employa les pierres à la reconstruction de l'abbaye. Il n'en reste qu'un pan de murailles dans la prairie de l'abbaye entre l'église de Bethléem et les bords de la Cléry : on y remarque les traces d'ouvertures anciennes.
Quant aux fortifications, elles n'ont pas été restaurées jusqu'à François Ier. Ce roi a donné la permission de fermer la ville de murailles par ses lettres patentes du mois d'octobre 1529 afin qu'elle fût une retraite sûre pour les pèlerins. Les fortifications ont été achevées sous Henri II en 1552.
Il y avait alors deux enceintes : celle de l'abbaye et celle de la ville (Plan). Les restes de la première se voient non seulement le long de la place Saint-Macé (soubassement du mur du parking) et au niveau de la porte Saint-Macé, mais surtout le long de la prairie et tout autour des arènes de Pépin. Du côté nord, le mur d'enceinte, parallèle au tracé actuel de la Grande Rue, était protégé par des fossés à sec de quatre mètres de large et trois mètres de profondeur environ, que des travaux de restauration ont récemment mis à jour. Ce rempart séparait l'abbaye de la ville ; on passait de l'abbaye dans la ville par la porte basse de la cour des églises, surmontée de la prison.
Les plans anciens de la ville montrent le tracé des remparts, munis de tours (une douzaine au total) de part et d'autre des portes et le long du rempart est, du côté du plateau. Les restes de la tour du Petit-Saint-Fiacre le long de la Cléry donnent une idée de leurs dimensions.
Les remparts suivaient initialement la rue Montante et la rue des Fossés ; le quatrième côté de la ville, à l'ouest, n'était d'abord protégé que par la Cléry et la grande prairie inondable de la Couture. Après les guerres de religion, les Ferriérois, convaincus de l'insuffisance de cette protection firent garnir aussi ce côté de la ville : c'est là que, de nos jours, se voient les vestiges les plus importants.

L'histoire de Ferrières montre, cependant, que ces défenses n'ont pas suffi à éviter les prises et les saccages qui ont périodiquement ruiné la cité. Pour se protéger contre leurs attaquants les Ferriérois avaient aussi un système secret de défenses, qui est loin d'être encore entièrement exploré. Etait inclus dans ce dispoitif, un réseau perfectionné constitué d'une multitude de souterrains profonds, ordinairement situés sous des caves et aboutissant à des puits, voûtes ténébreuses admirablement cintrées, d'une solidité à toute épreuve où disparaissaient au signal du guetteur, les enfants et les femmes dans nos discordes civiles. (selon un manuscrit anonyme).
Tous les Ferrièrois ont eu à connaître, soit directement, soit indirectement, de l'existence de ces fameux souterrains dont la tradition dit que l'un d'entre eux aurait même permis aux habitants assiégés de rejoindre Château-Landon. Ce qui est sûr c'est qu'ils permettaient certes de communiquer et de s'enfuir éventuellement, mais aussi, tout simplement de se réfugier en cas de danger et d'y stocker les vivres nécessaires. Depuis ils ont eu des utilisations diverses, parfois à la limite de la légalité : fosses d'aisance avant l'installation du réseau d'égouts, abris ou refuges pour les personnes ou caches d'armes en période de guerre, cachette pour brûler en secret la goutte …
Sur ce qui subsiste de ce réseau, dont on sait qu'il était relié à des puits, (celui de la cour du Couvent comporte une galerie circulaire intérieure sur laquelle on a pu constater plusieurs départs), les informations sont trop parcellaires pour permettre de le reconstituer. Les propriétaires de caves qui possèdent des départs de galeries souterraines ne sont pas toujours disposés à les faire connaître, et même, lorsque périodiquement, des effondrements se produisent dans des jardins ou dans les rues (comme au coin de la rue des Charrières et de la rue de la Triperie le 14 août 1973), ils sont trop rapidement comblés pour que l'on puisse en dresser des relevés. Malgré quelques tentatives d'amateurs (à la fin des années quarante des scouts ont fouillé à partir des caves de la maison qui abrite actuellement le photographe place du Martroi), un travail scientifique d'exploration et de recensement reste à faire.