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Une santé prospère dans un pays pauvre.

Les Ferriérois, écrit encore Gastellier, sont en bonne santé et vivent vieux, grâce à l'air vif et salutaire du pays. D'autre part, contrairement à d'autres communes, le cimetière est éloigné de la ville, dans un endroit aéré, empêchant les habitants d'en recueillir les mauvaises émanations.

Les habitants jouissent d'une bonne santé et jouiraient encore d'une meilleure s'ils n'étaient plus souvent privés des premiers besoins. On y compte des vieillards, il y en a encore aujourd'hui depuis soixante et dix jusqu'à quatre vingt dix et douze. Les hommes y sont en général grands et forts, mais un peu lâches et fainéants et parfaits ivrognes. Ce sexe est assez bien et fort actif. Il n'y a nulle sorte de commerce, les habitants y sont tous pauvres, misérables et sans aucune espèce de ressource, aussi portent-ils pour la plupart la livrée de l'indigence. Je n'y connais point de maladie propre aux habitants, ni particulière au physique du pays. Il est bon d'observer que l'air de Ferrières est vif, pur et très sain, que les environs de la ville sont riants, les coupes diversifiées et fort agréables, ce qui ajoute beaucoup à l'usage des eaux et les rend d'autant plus salutaires.

R.G. Gastellier, Essai topographique, minéralogique, historique de la province du Gatinois

Un survol rapide de l'état civil confirme ces constatations. A part les années d'épidémies fatales à toutes les générations, on vit longtemps à Ferrières. Une fois les cinq premières années de la vie dépassées (le quart des décès affecte les enfants de moins de cinq ans et spécialement les moins de deux ans), on peut, sauf accident, arriver à soixante dix, quatre vingts voire quatre vingt dix ans, que ce soit en 1650, en 1715 ou en 1795. Il y a même une centenaire en 1699.

Cette bonne santé n'empêche pas la misère. Gastellier la déplore, les moines la prennent en charge. A partir de 1790, la commune doit prendre le relais car 15 % de la population ne peut subvenir à ses besoins et ce, de manière permanente.
Or la commune elle aussi est pauvre. Quel que soit le gouvernement en place, elle ne peut faire face que difficilement à ses obligations dont la première est d'assister les indigents.
Dès 1791, elle se plaint au district de Montargis de ne pouvoir payer ses impôts faute de rentrées suffisantes et demande l'institution d'un atelier de charité afin d'occuper les pauvres en étant utiles. Il s'agit de faire travailler les pauvres valides à la réfection des chemins. Un bureau de bienfaisance mis en place assiste les plus démunis en distribuant du pain et des vêtements pour les enfants. Malgré les legs des bienfaiteurs, la commune est obligée de renflouer régulièrement cet organisme en puisant dans les impôts à venir, d'autant que dès la monarchie de Juillet, elle doit prendre en charge les frais scolaires des petits pauvres. Ils sont 19 en 1853 ; 38 en 1881, auxquels il faut ajouter 22 fillettes après la mise en place de la scolarité obligatoire pour les filles. Sous l'impulsion de l'impératrice Eugénie, des mesures sont prises pour aider les miséreux : salle d'asile pour les petits, aide médicale gratuite pour les familles et sage-femme payée par le canton pour les accouchements. Là encore, la commune de Ferrières ne peut rien assurer. Il faut s'entendre avec les religieuses qui assurent déjà, à Ferrières, l'éducation des petites filles. En 1859, la salle d'asile tenue gratuitement par les religieuses accueille tous les enfants d'indigents pris en charge par les bienfaitrices locales et la mairie. On arrive ainsi à un compromis. Mais en 1865, le conseil décide à l'unanimité, et ce après deux votes pour bien laisser à ses membres le loisir de réfléchir, de confier aux religieuses l'école communale de filles qui coûte trop cher à la ville. Les mesures d'encadrement du prix du pain et de constitution de stocks imposées aux meuniers et boulangers pour éviter les famines ne peuvent non plus être suivies : les trois boulangers sont au bord de la faillite faute de clients car les 2/3 des familles boulangent à domicile. Pire, après la guerre de 1870 et les crises agricoles, la commune doit faire face à un flot de nouveaux pauvres : des veuves sans travail, avec de jeunes enfants, des vieillards sans ressources, des cultivateurs ruinés ou dans la gêne. Les bienfaiteurs se font rares pour soulager les élus dans leurs tâches officielles et bien des enfants, avant l'heure de l'école, vont faire quelques mottes chez le tanneur local. Dès qu'ils ont onze ans, ils s'empressent de travailler. La "belle époque" n'est pas belle pour tous.

D'autres obligations officielles mettent en difficulté la commune, ce sont bien sûr les dépenses de fonctionnement. Les frais administratifs, incontournables, sont élevés ; il faut payer l'instituteur, les gardes champêtres, le vicaire, une pompe à incendie et l'équipement des sapeurs-pompiers, l'entretien des bâtiments communaux dont les églises, des gouffres financiers. Ce sont aussi les fêtes officielles : la Saint-Louis, la Saint-Charles pour les rois, la fête de l'empereur pour Napoléon III, la fête nationale du 14 juillet sous la République. Ces réjouissances obligatoires partent d'un bon sentiment, mais les communes doivent en prélever les frais sur leur budget propre. A chaque fois, la somme prévue est dépassée et le conseil le déplore ; les dépenses semblent pourtant modestes : un feu d'artifice, un bal gratuit, des jeux pour les enfants, un tir à la cible pour les adultes, du pain pour les indigents.

Mais les plus grands frais concernent la voirie et la commune n'a absolument par les moyens d'y pourvoir. La loi de 1819 relative au classement des routes et chemins oblige les ruraux à des mises aux normes draconiennes. Ferrières est un axe routier qui n'en a pas les moyens. Pendant près de cent ans, c'est le cauchemar de cette petite commune. Aussi, dès 1829, le maire demande-t-il d'avoir recours aux prestations. Ce sont, pour les Ferriérois, deux journées de travail données à la commune par chaque homme valide âgé de plus de vingt ans, assorties du même temps pour les bêtes de somme ou de trait et les charrettes. Les citoyens peu aptes à ces travaux paient les sommes correspondantes selon un tarif approuvé par le préfet. Pour concilier ces travaux avec ceux de l'agriculture, leur période s'étend du 1er novembre au 1er mars. Les femmes sont dispensées de ce service ainsi que les sapeurs-pompiers. En partie assuré par ces sortes de travaux d'intérêt général, l'entretien des routes départementales et des chemins vicinaux coûte moins cher à la commune que si elle devait faire appel à des entreprises.

Malgré ces difficultés, la commune fait preuve de dynamisme et d'initiative

C'est dans le domaine de l'hygiène et de la sécurité que Ferrières s'investit en premier, dès la restauration. En 1826, l'enlèvement des boues dans les rues est confié à un entrepreneur. Le curage des rivières (Cléry et Gobine) est surveillé, les riverains récalcitrants sont rappelés à l'ordre. En 1827, la création d'un corps de sapeurs-pompiers est envisagée, une pompe à incendie achetée, malgré un coût élevé. Les ponts de bois et les gués sont remplacés par des ponts de pierre (en 1840 dans la cour des Forges ; en 1859 au Perray ; en 1889 sur la Gobine aux Martinets). Les ouvrages vétustes sont consolidés. Dès 1860, on éclaire les rues (9 réverbères dans le centre ville) ; en 1863, le nom des rues est indiqué et dès 1858 le déplacement du puits public situé à l'intersection de la Grande rue et de la rue de l'Écu, gênant pour la circulation hippomobile, est une pomme de discorde entre les riverains et le maire. En 1879, la lavoir des Martinets est couvert et ses abords sécurisés par des berges bien empierrées. Les usagers de la gare ferroviaire qui empruntent la "montagne Saint-Lazare" ont la rue éclairée en 1894.

L'instruction n'est pas oubliée. En 1827, un instituteur s'installe à Ferrières ; on réévalue son traitement en 1844 ; en 1884, l'école communale de garçons est terminée, en 1855 une institutrice instruit les filles parallèlement aux religieuses. A la fin du Second Empire, les trois quarts des Ferriérois savent lire et écrire ; au minimum signer leur nom. En 1878, on songe à édifier un grand groupe scolaire pour les garçons et les filles, complété d'une salle d'asile pour les petits ; en 1913, une école ambulante ménagère agricole pour les filles de cultivateur est créée et la mairie règle les frais de scolarité de tous les enfants nécessiteux pour éviter l'absentéisme scolaire.
L'école
L'hospice
Entretien et réparations du bâti et des territoires communaux sont un souci constant : les églises sont réparées, principalement sous le Second Empire, malgré le coût élevé des travaux. La tour-clocher de Notre-Dame de Bethléem, faute de soins, s'était écroulée en 1839 ; aussi, quand la foudre s'abat sur le clocher de pierre de Saint-Pierre, la municipalité s'empresse-t-elle de faire faire des travaux. La geôle, qui clôturait la place des églises, est démolie en 1879 pour agrandir le passage vers le marché. Les aménagements dus à la traversée de la ville par les deux grands axes Montereau-Montargis et Sens-Orléans obligent à des élargissements de carrefours, à des expropriations de terrains et des démolitions de bâtiments. La Commune en profite pour redessiner les promenades en 1857, pour consolider la levée de l'étang que les pluies et les inondations de la rivière ruinent continuellement. Un pont est construit, la levée est empierrée et des arbres sont plantés en 1861 tout au long, depuis le Champ royal. Le déplacement de l'ancien chemin de Sens sur la route de Griselles actuelle oblige à redessiner la place. Il permet, au début du XXe siècle, la construction d'un hospice pour remplacer celui du centre ville.
La Montagne Saint-Lazare est aplanie, la rue du Biquin d'Or élargie et ses bois sont abattus, les carrefours sont repris en 1860. La même année, on projette place Saint-Fiacre, une nouvelle halle, on en aménage le terre-plein. En 1902, une halle aux veaux y est inaugurée. De 1830 à 1900, la quasi-totalité des chemins vicinaux en direction des hameaux est empierrée. Enfin, si l'église paroissiale Saint-Eloi, devenue bien national, est détruite en 1855, le cimetière est resté à sa place. Suite à une donation, en 1855, il est agrandi, des murs sont reconstruits, la grille monumentale actuelle est installée, la croix de pierre remise au milieu et les allées sont sablées. Depuis, le cimetière a subi deux agrandissements successifs.
Enfin, la commune ne veut rien perdre du progrès et, malgré son endettement, reste audacieuse.
En 1852, la municipalité propose l'ouverture d'une succursale de la Caisse d'Epargne de Montargis ; en 1867, elle accueille le pharmacien, attendu depuis 1863 ; en 1904, le rattachement au téléphone est achevé, et surtout, Ferrières est dotée d'une gare. Dès 1852, les élus ont rivalisé d'arguments pour que la ligne de Paris à Montargis ait un arrêt dans ou près de la ville. La gare est dans la vallée, à Fontenay et il faut aplanir la colline pour en faciliter l'accès, mais les notables sont persuadés que ce ballon d'oxygène permettra de faire redémarrer le commerce dans la vallée du Betz et de la Cléry, dont Ferrières est le débouché, d'autant plus que les voies fluviales sont désertées.

Depuis, malgré les mutations agricoles et les changements économiques, la ville a pu s'adapter et les efforts des anciens sont poursuivis. Il y a toujours un quartier industriel. Un réseau d'assainissement et une station d'épuration assurent l'hygiène. L'aménagement du territoire passe davantage par la mise en valeur du patrimoine architectural et naturel que par la démolition systématique du bâti ancien. La halte garderie, la crèche, les écoles, le collège et son gymnase perpétuent l'encadrement scolaire. La salle polyvalente a remplacé les salles de bal des cafetiers, et c'est toujours à la sécurité que veillent gendarmes et sapeurs-pompiers.
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