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La Prairie ou cour de l'abbé

En contrebas des bâtiments, une vaste prairie, vierge de constructions comme au temps des moines, offre une belle vue sur les églises et les bâtiments conventuels, notamment les toitures recouvertes de tuiles de Bourgogne. De ce côté, on voit bien la base du clocher écroulé en 1739, au niveau de la croisée des transepts de l'abbatiale, ainsi que le sommet de la tour clocher.
Vue du côté sud, l'église Notre Dame de Bethléem ressemble à un jeu de constructions avec ses parties de tailles et d'époques différentes, comme posées les unes contre les autres. On voit également les ouvertures murées au cours des siècles. L'ajout le plus récent est le "petit cube" situé au début de la nef, construit à la fin du XIXe siècle pour abriter la chaudière. Il s'élève à peu près à l'emplacement du cimetière pour les enfants mort-nés, dont il ne reste plus aucune trace aujourd'hui.

Le cimetière des enfants mort-nés

Les décès d'enfants morts nés consignés dans les registres paroissiaux ne sont pas exceptionnels, à Ferrières comme ailleurs. Les registre paroissiaux en portent témoignage. Les conditions de vie en étaient la cause : malnutrition saisonnière, rudes travaux imposés aux femmes dans les campagnes, épuisement dus à des grossesses répétées. Nombre d'enfants qui étaient à la naissance ondoyés par la sage femme en péril de mort, selon l'expression consacrée, étaient sans doute des enfants mort-nés à qui on administrait le sacrement pour leur ouvrir les portes du Paradis. Mais pour leur administrer le sacrement, il fallait à la fois reconnaître le péril de mort et constater un signe de vie, si minime soit-il. Faute de quoi, l'enfant ne pouvait être enterré dans le cimetière en terre consacrée et son âme devait errer pour l'éternité dans les Limbes.
Les parents se tournaient donc souvent vers la Vierge Marie, et imploraient pour leur enfant un retour temporaire à la vie, le temps de recevoir le sacrement du baptême. On venait de loin pour prier Notre-Dame de Bethléem d'accomplir le miracle. On déposait alors sur l'autel le corps nu de l'enfant et des prières étaient récitées par les prêtres, les paroissiens et les parents. Il suffisait d'une légère modification de l'apparence du corps pour que le baptême soit célébré immédiatement. Mais les cas étaient rares. Les enfants qui n'avaient pu obtenir le baptême étaient ensevelis dans un enclos spécialement destiné à cette fin.
Où cet enclos se trouvait-il ? En 1979, à l'occasion de travaux pour l'installation d'un chauffage en l'église Notre-Dame, on découvrit sous quelques centimètres de terre, à l'extérieur de l'église et à l'angle sud-ouest, une multitude de petits ossements semblables, dit un témoin, à des os de lapin. On conclut donc qu'il s'agissait des restes des enfants ensevelis. Cette hypothèse, toute séduisante qu'elle soit, mérite quelque examen. Le lieu en question se trouvait dans l'espace réservé aux moines, et plus précisément dans le jardin de l'abbé ; les paroissiens n'y pénétraient donc pas. Or Dom Morin précise (La naissance miraculeuse de la chapelle de Bethléem, Paris 1610) que, pour les enfants morts-nés, "il y a un cimetière tout exprès pour les enterrer et une femme entretenue pour en avoir soin." Comment cette femme aurait-elle eu ses entrées au jardin de l'abbé ? Le même Dom Morin (Histoire du Gastinois, Paris, 1630) écrit : "A costé de l'Eglise sainct Pierre est une tour quarree […] Au pied de ceste tour est la porte pour entrer en la premiere cour du Monastere, & un cymetiere où l'on enterre les enfans mors-nez que l'on apporte en devotion en l'Eglise de Nostre Dame de Bethleem." Ce témoignage peut difficilement être mis en doute, car la pratique existait du vivant de Dom Morin et même au-delà : les registres paroissiaux de la paroisse de Conflans sur Loing mentionnent des inhumations d'enfants morts-nés dans le cimetière de Ferrières en 1644 et 1654. En outre, ce lieu, situé dans la cour des églises, était plus normalement accessible aux laïcs. Les historiens qui ont décrit l'abbaye au XIXe siècle, suivant le témoignage de Dom Morin, ont tous situé le cimetière des enfants morts-nés dans la cour des églises au pied de la tour porche.
Outre Notre-Dame de Bethléem, il existait dans la région deux autres "sanctuaires à répit" : à Lorris, et à Egry, à côté de Beaune-la-Rolande.

De la cour de l'abbé, on descend aujourd'hui jusqu'à la fausse rivière par un escalier terminé par la porte Louis XIII, de style baroque. Autrefois, l'escalier conduisait à un pont-levis jeté sur la Cléry, qui menait au parc de l'abbaye dans lequel se trouvait le petit étang. Les traces du mur d'appui du pont-levis sont encore visibles dans la propriété qui se trouve sur l'emplacement du parc, et dans ce parc, se trouve encore… un petit étang !
En contrebas de l'église de Notre-Dame de Bethléem s'élève un mur de trois mètres de hauteur dans lequel on aperçoit plusieurs ouvertures murées. Ce sont les restes du château fort dont les pierres ont été réutilisées pour la reconstruction de l'abbaye à la fin du XVe siècle.
Du muret qui entoure le bas de la prairie, on a une vue plongeante sur les jardins, la fausse rivière, la Cléry et les vestiges des fortes murailles qui entouraient de ce côté l'abbaye.
Les jardins sont à l'emplacement des "arènes de Pépin", où la tradition situe le combat de Pépin le Bref contre le lion ; un escalier dans la muraille, l'escalier dit "de Charlemagne", permettait d'y descendre. Du temps des premiers rois, des fêtes s'y déroulaient. Au bas des murs et près du lit de la rivière, c'était un terrain marécageux dans lequel sourdait une source ferrugineuse : peut-être la célèbre fontaine ferrugineuse qui avait, dit-on, des vertus curatives et où de nobles visiteurs sont venus prendre les eaux (voir Hors les murs, La fontaine ferrugineuse).

Ferrières : station thermale !


François Ronceray
raconte la triste mésaventure qui arriva au frère Robert Quatremaire. Né dans le diocèse de Sens, il était religieux au monastère de la Trinité à Vendôme. Cependant les médecins lui ordonnèrent de venir à Ferrières pour prendre des bains. Ce remède, au lieu de lui rendre la santé, accéléra sa mort ; car il se noya en se baignant dans la rivière le 7 juillet 1671, âgé de 59 ans.

Après la construction de la chaussée retenant les eaux, un canal s'écoulait de la petite bonde de l'étang par une longue et large voûte, faisait, à sa sortie, tourner un moulin de l'abbaye, sur les ruines duquel a été construit un pavillon dans les années 60. Cette fausse rivière traversait les arènes à ciel ouvert et en ressortait en passant sous une voûte dont le sommet est visible au bas de la muraille à l'ouest des arènes.

Moulins meurtriers

En tête des miracles qui se seraient produits à Notre-Dame de Bethléem, Dom Morin cite celui qui met en cause les moulins de l'abbaye :
Les témoins […] dirent avoir connaissance, qu'en 1382, Marguerite le Caux, fille de Guillaume le Caux, étant tombée dans la rivière, passa sous les moulins de l'abbaye et resta une journée entière dans l'eau. Retirée raide morte, la nuit suivante, son père et sa mère, assistés de leurs proches, et sur l'avis de quelques gens de bien, la portèrent sur l'autel de Notre-Dame de Bethléem. Aussitôt les religieux réunis se mirent en prière, et au bout de trois heures de supplications, Marguerite le Caux revint à la vie, et depuis fut donnée en mariage à un gentilhomme, nommé Georges de Bardilly.

Locataires occasionnels de l'abbaye : les sœurs de Saint-Paul de Chartres, personnalités de Ferrières.

Les religieuses de la congrégation de saint Paul de Chartres sont arrivées à Ferrières en 1844 à la demande de Mr Lemesle. Il venait de racheter les bâtiments conventuels et souhaitait y installer une école de jeunes filles, les garçons pouvant, alors, recevoir un enseignement au presbytère. Les deux premières religieuses, qui furent suivies de beaucoup d'autres, ont été les sœurs Adèle Vallée et Françoise Marquis. Cependant, suite à des difficultés financières, le généreux donataire a dû reprendre les locaux. A la demande de Mgr Dupanloup, les sœurs n'ont pas quitté le village ; elles ont acheté une maison rue Saint-Mathurin (actuelle rue Fonteine-Bourgoin). En 1863, survint un fait exceptionnel : suite à la démission de l'institutrice de l'école communale, le conseil municipal à l'unanimité, confia cette école aux religieuses. Le secrétaire de la mairie a même noté dans la marge du registre des délibérations : par un second vote l'unanimité s'est également constatée. A leur activité d'enseignantes, les sœurs ajoutèrent, en 1873, la visite des malades à domicile. Elles furent également chargées de la cuisine de l'infirmerie et de la lingerie, dans le petit séminaire qui fonctionna dans l'abbaye de 1875 à 1882.
En 1903 les lois anti-religieuses les expulsèrent de leur école. Mais très vite Madame veuve Duchesne loua l'abbaye à la commune et elles y recréèrent leur école. Au cours de l'année 1909, la municipalité mit fin au bail, pour récupérer les locaux.
En 1944, une jeune religieuse, Marie Thérèse Leroy, fut envoyée pour relancer officiellement l'école, rue des Fossés, dont mademoiselle Couesnon avait assuré la maintenance. En 1954, un pensionnat fut installé dans l'ancienne maison de la rue Fonteine -Bourgoin, puis petit à petit, les élèves sont accueillies jusqu'en classe de troisième. En annexe de l'enseignement général une école ménagère fut ouverte de 1956 à 1974. Depuis 1987, les classes de collège sont définitivement abandonnées au profit du lycée Saint-Louis à Montargis. Aujourd'hui l'internat a été fermé depuis 1999 et l'école est mixte depuis 1971.

Fin du chapitre "Bâtiments conventuels"
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