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A propos du vocable Notre-Dame

L'habitude d'appeler un édifice religieux Notre-Dame date du XIIe siècle. Au moment de la christianisation de la Gaule, on employait plutôt le terme de Sainte-Marie. Dans le comput de Ferrières rédigé en 905, il est fait mention de la dédicace, le 10 des calendes d'octobre, de l'église Sainte-Marie : c'est sans aucun doute l'église connue aujourd'hui sous le nom de Notre-Dame qui, pendant plusieurs siècles, a été appelée Sainte-Marie. Cet ancien vocable a même été utilisé en légende d'une carte postale du XIXe siècle.

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Plan interactif de l'église
Agrandissement : 359x500 (38 ko) L'église dédiée à Notre Dame de Bethléem est le plus petit des deux édifices religieux de la place. On y entre habituellement par la porte latérale située sur la façade nord. Cette ouverture est surmontée d'une statue de la Vierge avec cette inscription en latin : "Ne insalutata hospite" - "N'entrez pas sans saluer l'hôtesse", c'est-à-dire Marie. La sentence est suivie d'une date, 1620, et des quatre initiales "D.G.M.P.", qui pourraient désigner Dom Guillaume Morin Prieur, ou seraient l'abréviation de l'expression "Dei Gratia Maria Peperit", qui signifie : "Marie a enfanté par la grâce de Dieu".
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A droite de la porte, à environ quatre mètres de hauteur, on découvre sur la façade deux pierres assez grossièrement sculptées et usées par les siècles et les intempéries : l'une représente un homme à cheval (saint Martin ? un cavalier de l'Apocalypse ?) ; sur l'autre, on distingue un homme assis face à deux personnages dont l'un lève une main démesurément grande (Jésus devant Pilate ? trois musiciens ? ). Selon Ronceray, ces pierres se trouvaient autour du portail principal avant l'écroulement du clocher et ont été placées là lors des restaurations qui ont suivi. Leur facture permet de les dater de l'époque carolingienne, comme les quatre masques grimaçants qui entourent la statue de la Vierge.
L'église possédait un clocher porche situé à l'avant du bâtiment côté ouest. Ce clocher, appelé dans certains documents "tour Wandelbert", servait de donjon au château fort voisin et de refuge aux habitants de la ville. Sa base était un peu moins large que la nef. Il s'est effondré en 1839, faute d'entretien.

La fin du clocher de Notre Dame de Bethléem.

François Ronceray, qui a sûrement vécu l'événement, raconte comment l'église de Bethléem fut amputée de son clocher porche :
Par un dégel le 14 janvier 1839, à 4 heures 30 minutes du soir, on entendit dans la ville un bruit épouvantable qui retentit à plus d'une lieue. Au même instant tous les habitants consternés par la douleur accoururent en foule au lieu du sinistre. Quelle fut pas leur affliction en voyant détruit pour toujours ce vieux monument témoin muet de tant d'événements, qui avait résisté à tant d'orages et de révolutions et qui en un instant fut détruit à jamais. […] Il n'y avait que quelques minutes que plusieurs personnes sortaient de l'église quand la tour est tombée […] Elle était octogone et en forme de pain de sucre haute de 150 pieds et large de 18 et construite toute en pierre de taille. […] Le lendemain tous les habitants de Ferrières […] travaillèrent à déblayer les énormes pièces de bois, les pierres et les immondices occasionnés par cet accident.

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Entrant dans l'église, on découvre un ensemble architectural et ornemental composite, d'époques très différentes. L'arc qui sépare la nef du chœur est un arc outrepassé construit selon une technique rare dans les édifices médiévaux : remplissage de pierre et de mortier entre deux rangées de pierres taillées de dimensions irrégulières. Cet arc repose sur deux colonnes couronnées par des chapiteaux aux sculptures archaïques. Arc et chapiteaux, de facture préromane, témoignent de l'ancienneté de l'édifice.

Selon la tradition, le premier sanctuaire édifié en ce lieu commémorait la vision miraculeuse des saints évangélistes Savinien et Potentien qui, la nuit de Noël, ont vu en songe la crèche de Bethléem (voir Une abbaye…, La conversion). La majorité des éléments ornementaux de l'église rappellent ce miracle : dans le chœur, le retable ; sur un vitrail dans le transept sud, l'adoration des Mages ; une Vierge noire, dans une niche à droite du chœur.
Le retable, œuvre du sculpteur Gilles Guérin, date de 1650. Il occulte deux fenêtres romanes, dont on aperçoit, les parties supérieures. Il est dominé par une statue de la Vierge à l'enfant, thème repris par le tableau central. Au premier plan de ce tableau, à droite, un couple de paysans figurerait, dit-on, le couple royal Louis XIII et Anne d'Autriche, fidèles de Notre-Dame de Bethléem et membres de sa confrérie. Le tableau est encadré par les statues de saint Savinien et saint Potentien accompagnées de l'inscription martir, car les évangélisateurs de Ferrières sont morts pour leur foi : le premier, dénoncé par des prêtres païens, eut, selon certains, la tête fendue à coups de hache à Troyes, ou si l'on en croit Geoffroy de Courlon (Chronique de Saint-Pierre-le-Vif de Sens) il fut massacré dans un faubourg de cette ville. Un peu plus tard, Potentien et Altin furent décapités à leur tour.
A la base de l'autel se trouve un bas-relief qui représente la sainte famille dans l'atelier de charpentier de saint Joseph.

Gilles GUERIN (1611 ou 1612 -1678)

Le sculpteur Gilles Guérin fut l'élève de Simon Guillain. Il a travaillé au château de Versailles, où il a notamment réalisé la grotte de Thétis. Il a participé à la décoration du château de Guermantes, au jubé de Saint-Gervais de Soissons et à quelques monuments funéraires.
En 1646, la princesse de Condé, Charlotte de Montmorency, lui commande une statue en marbre représentant son époux qui vient de mourir, pour orner sa tombe dans l'église de Vallery dans l'Yonne. Le modèle en terre cuite est exposé au musée du Louvre. Ce travail fut achevé en 1651. Ce n'est sans doute pas le seul point commun que l'on peut relever entre les deux oeuvres. Henri II de Bourbon, troisième prince de Condé avait été élevé à la cour, son père étant mort l'année de sa naissance. On peut penser qu'il accompagnait Henri IV et la cour, en visite à l'abbaye en 1606. En 1613, il demanda et obtint de Marie de Médicis, régente du royaume, le titre d'abbé de Ferrières, ce qui obligea l'abbé commendataire du moment, Michel Soublet à se démettre. Mais, en opposition avec la reine mère et malgré le soutien de Richelieu, il fut contraint d'y renoncer à son tour en 1621. Il se peut cependant qu'il ait gardé des contacts avec les moines et ce n'est peut-être pas par hasard que le même sculpteur travailla à la même époque, dans deux lieux géographiquement proches (29 kilomètres) pour la veuve du prince de Condé et l'abbaye de Ferrières.

Le chœur est éclairé par deux fenêtres du XVIIIe siècle ; les vitraux, qui datent du XIXe siècle, célèbrent d'illustres bienfaiteurs de Notre-Dame de Bethléem : à gauche, le roi Clovis et son épouse Clotilde, considérés comme les fondateurs de l'abbaye ; à droite, le pape saint Grégoire II, et Louis XIII , représenté à genoux, tourné vers le retable ; derrière lui, l'archange saint Michel, patron de la France, semble intercéder. Le roi mage à gauche du vitrail du transept sud rappelle aussi la silhouette du souverain, avec ses longs cheveux bruns, sa cape, son sceptre surmonté d'une fleur de lys et sa couronne à ses pieds. Sur le même vitrail, en haut à gauche, est représentée la place des Églises ; la porte de l'abbé y est encore visible.
Dans une niche à droite du chœur, une statue de la Vierge tenant l'enfant Jésus est la copie d'une Vierge noire du XVIe siècle, visible une fois par an, le jour du pèlerinage, le premier dimanche de septembre. (voir Fêtes d'hier... le pélerinage). Son grand manteau la fait paraître plus grande qu'elle n'est en réalité. Sculptée dans du bois de chêne, la statue originale est plus foncée que la copie. Elle a échappé aux destructions de la Révolution française grâce à la femme du gardien de la prison de Ferrières qui l'aurait cachée dans son armoire à linge, puis remise au curé, la Terreur passée. Selon une légende rapportée par l'abbé Jarossay, la femme aurait ensuite vécu près de cent ans, sans douleurs ni infirmités d'aucune sorte, ce que l'on regarda, dans la ville, comme la récompense de sa courageuse action.
La chapelle sud contient une série d'ex-voto qui témoignent de la reconnaissance des fidèles. Un autre ex-voto, placé dans la nef à gauche de la chaire, est l'offrande collective de la paroisse de Ferrières, pour remercier la Vierge d'avoir protégé le village entre le 20 et le 24 août 1944, lors des combats entre les troupes allemandes et américaines.
Cette chapelle est dédiée à saint Roch et saint Sébastien dont on voit les statues de part et d'autre de l'autel : ce sont les saints dont on invoquait la protection contre la peste et le choléra lors des grandes épidémies qui ont décimé régulièrement l'Europe occidentale depuis la Grande Peste de 1348. Revenant du pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle, saint Roch, atteint de la peste, fut chassé par la population et se réfugia dans une forêt. Il survécut grâce à un petit chien qui tous les jours lui apportait un morceau de pain. Intrigués par son manège, les gens suivirent l'animal, découvrirent le malheureux et le ramenèrent avec eux.
L'arc en plein cintre qui sépare la nef de cette chapelle est orné de fleurs de lys peintes ; le lys qui symbolise la pureté et la virginité rappelle Marie, honorée en ce lieu. Il est surmonté par les armes de Dom Morin.
De cette chapelle sud part un escalier qui traverse le mur pour accéder à la chaire.

Miracles à Ferrières.

Dom Morin, prieur de Ferrières, qui a rédigé au XVIIe siècle un historique de son monastère et du pèlerinage, cite un certain nombre de miracles, qui tendent à prouver que les pèlerins ne sont pas toujours déçus :
Les témoins interrogés, touchant les miracles opérés par la miséricordieuse puissance de Notre-Dame de Bethléem, racontèrent qu'ils en avaient vu plusieurs, et qu'ils étaient même si fréquents que les gens ne sortaient plus de leur maison pour constater ces faits. […]
Jean Moschefol assura pareillement que sa femme ayant mis au monde un enfant mort, le voua à Notre-Dame de Bethléem. Puis, l'ayant porté sur l'autel de la chapelle, se mit à prier et à conjurer la Vierge Marie de ressusciter son enfant. Or, une demi-heure s'était à peine écoulée qu'on s'aperçut que cet enfant vivait. Aussitôt on le baptisa et il vécut plus de dix ans.
Mais les miracles recensés ne concernent pas que des enfants :
L'an 1411, Pierre du Cymetière chargé par le roi Charles VI, de faire exécuter un arrêt du conseil privé par les habitants d'Orléans, fut saisi par ceux-ci et jeté dans la prison de la Tour-Neuve. Espérant peu du côté des hommes, et se souvenant des éclatants miracles qu'on disait opérés à Ferrières, il fit vœu en l'honneur de Notre-Dame de Bethléem. Or, à peine eut-il formulé son serment, que, soudain, une muraille s'ouvre devant lui, et le prisonnier s'évade au grand étonnement des Orléanais qui regardaient le fait comme impossible.

La chapelle nord est dédiée au Saint Esprit. Sur le vitrail, daté de 1884, on voit les apôtres, la Vierge et deux saintes femmes recevoir l'Esprit sous la forme d'une colombe et de petites langues de feu. La Vierge est vêtue d'un manteau bleu, d'un voile blanc et d'une robe rouge : ces trois couleurs ont été associées dès le Moyen Age dans les représentations de Notre Dame, dans la peinture, la sculpture ou sur les vitraux.
A côté du confessionnal est adossée au mur la plate-tombe de Dom Guillaume Morin, élu en 1610 grand prieur de l'abbaye. Soucieux de restaurer le pèlerinage à Notre-Dame de Bethléem, il a agrandi l'église en ajoutant les deux chapelles latérales. A sa mort, le 21 mai 1628, les moines ont déposé son corps dans cette chapelle qu'il avait fait édifier. Sur sa pierre tombale, il est représenté vêtu de la coule, large robe que les moines revêtent pour les offices. En haut, dans chaque angle, se trouvent les armes de sa famille. En bas, on lit une inscription latine dont voici la traduction :
Ci-gît R.P.D. Guillaume Morin, d'abord élève, puis grand-prieur et vicaire-général au spirituel comme au temporel de ce monastère de Notre-Dame de Bethléem, et en même temps prieur de la sainte Trinité de la Celle sur le Bied, qui fit construire cette chapelle du saint Esprit avec celle de saint Roch. Il mourut en l'année du seigneur MDCXXVIII, le 21 mai. Priez pour lui.
Dessin d'Edmond Michel, Monuments religieux, civils et militaires du Gâtinais du XIe au XVIIIe siècle, Orléans, H. Herluison pl.IX
Près de lui reposent deux laïcs :
[…] Messire Esme de Brunel chevalier seigneur de Urenne et autre lieux cy devant lieutenant pour le roy dans les villes citadelle et province de Carmagniole et Piedmon et Verrus en Monferrat et maistre dhostelle ordinaire de sa majesté et dame Charlotte de Galle son épouse qui décéda le 16 août 1666. Priez Dieu pour leurs âmes.
D'autres pierres tombales, de moines semble t-il, plus ou moins bien conservées, sont visibles autour de l'harmonium et vers la porte latérale.
Au-dessus des fonts baptismaux, un tableau du XVIIe siècle, récemment restauré, est la copie d'une nativité d'Annibale Carrache, qui se trouve à Orléans : l'enfant Jésus placé sur de la paille est adoré par sa mère et des bergers, tandis qu'au-dessus d'eux une cohorte d'angelots chantent Gloria in excelsis deo ; au premier plan, un petit panier contient des œufs et des poissons, deux éléments hautement symboliques dans le contexte chrétien. Cette œuvre est entourée de statues : sur la droite, saint Augustin, évêque de Carthage ; sur la gauche, sa mère, sainte Monique ; sur le mur nord, à droite de la fenêtre, saint Antoine de Padoue que l'on invoquait autrefois par cette phrase : saint Antoine de Padoue, rendez ce qui n'est pas à vous ! quand on avait perdu un objet. Sous le vitrail, on peut voir une statue, bien restaurée, de saint Vincent. C'est celle qui est conduite en procession par la ville, tous les ans au mois de janvier, par la confrérie placée sous sa protection. Les confrères sont allés l'acheter à Paris au cours de la seconde moitié du XIXe siècle ; on rapporte qu'ils seraient partis à pied et en sabots et auraient mis quatre jours pour faire le voyage….
En quittant la chapelle nord, on peut voir, dans une niche à gauche du chœur, une belle statue de la fin du XVe siècle, représentant sainte Anne et la Vierge petite fille.
Le plafond de la nef est enduit de plâtre. Sous les "entraits" sont accrochées en leur centre des armoiries entourées de personnages ; on voit notamment :
     - une croix encadrée d'un prêtre et d'un évêque à genoux qui a déposé sa mitre,
     - les armes de l'abbaye de Ferrières,
     - les armes de l'abbé Louis de Blanchefort,
     - les armes de Dom Morin.
Le long de la nef, de chaque côté, les murs sont habillés de lambris provenant de l'église paroissiale Saint-Eloi, détruite au XIXe siècle (voir Hors les murs, Le cimetière…). C'est ce qui explique qu'ils ne soient pas parfaitement adaptés au lieu : ils sont un peu trop hauts par rapport aux deux grandes ouvertures situées au centre de la nef ; trois portes, l'une juste après la chapelle du Saint Esprit, les deux autres tout au fond de l'édifice de part et d'autre du portail principal, s'ouvrent sur le mur ! La chaire provient, elle aussi, de ce "sauvetage". Pour y accéder, le prêtre empruntait, en passant par la chapelle Saint-Roch, un petit escalier situé dans le mur, aujourd'hui condamné. (Voir plan interactif)
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La première travée de la nef est recouverte d'une tribune, réalisée en 1857 à la demande de la municipalité qui trouvait l'édifice trop exigu. Pour ne pas engager de trop grandes dépenses, les artisans ont dû réutiliser le bois provenant de la démolition du petit clocher qui se trouvait au-dessus de la croisée des transepts de l'église Saint-Pierre et Saint-Paul.
Enfin, au bas de la nef sont accrochés des tableaux de l'époque moderne. Sur le mur nord, les portraits de trois personnages qui ont marqué l'histoire de Ferrières : Loup Servat plus connu sous le nom de Loup de Ferrières et saint Aldric entourent Dom Guillaume Morin. Sur le mur sud, au centre, le miracle du crâne de saint Aldric ; à gauche, une scène représentant la Vierge Marie petite fille, accueillie par le grand prêtre au temple de Jérusalem ; à droite une crucifixion peinte sur bois.

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